Impressions sur...

Gueule d'amour


par Nicole Stauffer
Bondeval
     
Nicole Stauffer qui habite Bondeval, en Pays de Montbéliard a été frappée à la lecture de Gueule d'Amour par des similitudes et des concordances qui lui ont permis de conclure qu'André Beucler s'est inspiré de ce terroir qui lui était familier pour camper le décor de son roman. Nous lui laissons la parole.
 


          Je viens vous donner quelques explications sur des trajets effectués sur les traces d'André Beucler et tels que je les retrouve dans Gueule d'Amour. Je ne suis pas la seule à avoir remarqué ces analogies, Monsieur Boureux m'avait déjà communiqué quelques passages du livre annotés par Monsieur Bonnot, ancien instituteur de Seloncourt.

Gueule d'Amour
Nous avons retenu la pagination de l'édition Folio - Gallimard

Page 15.
J'ai l'habitude de passer mes vacances dans un petit village de soixante maisons dont les habitants se connaissent…

C'est Bondeval. Il avait du compter les maisons, car après vérifications, j'en bien trouve une soixantaine à cette époque.

Page 16.
J'avais aussi l'habitude de prendre mes vacances en automne, quand les deux routes qui se croisent à la hauteur de l'église sont couvertes de feuilles pourpres, dorées ou violettes comme des papillons morts et que les jardins brûlent, autour des maisons qui se recueillent pour la vie intérieure, les derniers parfums de la saison…

Maman me disait qu'André Beucler venait souvent au pays au moment de la récolte des pommes.

Page 17.
…Dans ce cas, le mieux est d'aller à la sous-préfecture, acheter des romans policiers… je fais ordinairement onze kilomètres à pied, et reviens le soir de la ville par un petit tramway qui s'arrête à mi-chemin…

La distance Bondeval - Montbéliard (la sous-préfecture) est de onze kilomètres environ. Le tramway est celui de la vallée du Gland qui le ramenait sur Seloncourt - Hérimoncourt. Il faisait les deux derniers kilomètres à pied.

Page 20-21-22
Le dessous de l'obscurité était encore chaud du bruit des forges et les fumées grasses, mêlées à la brume, noircissaient le vernis bleu de l'horizon. Quelquefois, une limousine lancée à toute allure m'arrachait au passage l'objet de ma méditation. Je m'arrêtais. Des ouvriers étrangers, Tchécoslovaques ou Polonais, traversaient la route, une bouteille de vin dans chaque poche. Une porte s'ouvrait ; on entendait la voix d'une femme ou le bruit d'une dispute. Sous la fumée des usines, les cabanes de planches mal jointes, les baraques de tôles se serraient l'une contre l'autre et formaient un village dont les habitants avaient choisi une fois pour toutes telle qualité de vin ou tel jeu de cartes. Des affiches fixées à la porte des taudis exploitaient le mysticisme de cette population au mauvais caractère. Je croyais me trouver dans la zone de Paris aux fameuses couleurs rouge et noir. Le paysage sordide et puissant était le même qu'à Saint-Ouen ou au plateau de Vanves. […] Sous mes yeux, l'industrie envahissait l'arrondissement d'une façon sourde ; aucun arbre, aucun jardin, pas une ferme ne résistait à la conquête invisible mais éclatante. On ne pouvait plus faire un pas sans être saisi par une odeur de drame et de débauche, et les paysans qui allaient de village en village au moment des foires, flétrissaient en patois les élections trop fréquentes et redoutaient une révolution. Les cinquante mille ouvriers de la région avaient apporté des costumes, des danses, des airs d'accordéon, un tissu spécial inconnu des magasins de la sous-préfecture, un tabac introuvable dans les débits, des habitudes de travail et de loisir dont l'ensemble constituait un mystère populaire qui jetait l'inquiétude aux quatre coins de l'horizon.

C'est le trajet effectué depuis Montbéliard à Bondeval en passant par les usines Japy et Peugeot Frères de l'époque. Les filatures Japy étaient rue des Mines à Exincourt en limite d'Audincourt à la limite de la gare de cette dernière ville. De l'arrêt où il devait descendre à Seloncourt, il y a environ 3 kilomètres. Le centre de Sochaux a eu ses premiers bâtiments entre 1911 et 1912. Les usines de Valentigney et Beaulieu - Mandeure pour Peugeot et Japy à Sous-Roches (Valentigney) existaient déjà. Celle sur la falaise du Haut-des-Roches à Seloncourt se trouvait sur la falaise juste au-dessus de Valentigney. Les ouvriers pouvaient passer par des escaliers métalliques fixés à la roche pour communiquer entre les usines. C'est sur ce Haut-des-Roches que se trouve maintenant la rue André Beucler.

Maman me racontait que les ouvriers du plateau (Roches-les-Blamont, Blamont, Ecurcey, Autechaux, Roide et les environs) descendaient avec un véhicule poussif jusqu'à Bondeval et même à vélo. Ceux qui allaient à Beaulieu - Mandeure coupaient à travers champs par le haut du village ou le chemin du cimetière (certains arrivaient au niveau des cités du Maroc), ceux qui allaient sur Valentigney ou le Haut des Roches descendaient la côte de Bondeval, passaient devant " l'Isba " (c'est ainsi qu'on surnommait la maison construite par Jules Beucler, le père d'André), puis arriver en bas, ils tournaient à gauche pour prendre le " chemin noir " ou allaient tout droit.



par Nelly
Grimsby
     
 

Le hasard par lequel j’ai connu les livres d’André Beucler lui aurait sans doute plu. Mais là n’est pas le propos.

Gueule d’Amour, roman quasi policier, m’a entraînée dans une danse de la mort, une valse à trois, où mes cinq sens furent utilisés, sans cesse mélangés dans des descriptions destinées à rendre l’ambiance.

Intriguée par cet auteur visiblement inquiet, délicat et juste, je poursuivis mes lectures avec Le Mauvais Sort et puis Un nouvel amour et puis La Fiancée rebelle et puis ses témoignages sur Léon-Paul Fargue , Giraudoux et puis tout ce que j’ai pu lire, je l’ai lu.

André Beucler décrit ce que je ressens lors de mes moments de solitude, de questionnement dans mes rapports au monde, aux autres, à l’amour. Voici donc quelqu’un qui a vécu ces moments d’angoisse inhérents à l’humanité que nous vivons individuellement, et un soulagement m’a gagnée.

Pouvoir lire des passages d’André Beucler et me savoir dans ses pas, sur le même chemin que lui, ceci m’a rendue plus légère, accompagnée, sûre d’une issue, et positive.

Ses mots sont beaux. Tout est honnête. Ses livres sont à lire.

 



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