Exposition à la Biblithèque de Montbéliard

La Bibliothèque municipale

présentait du 4 au 28 juin 2003


une exposition

André Beucler,
De Saint-Pétersbourg à Montbéliard

une causerie
le 28 juin à 17 h

Les affinités russes
d'André Beucler




Flux et reflux séculaires
et
amitiés internationales

On sait que le pays de Montbéliard s'est mis en 2003 à l'heure de Saint-Pétersbourg pour s'associer aux festivités internationales marquant le tricentenaire de la fondation par Pierre le Grand de la fabuleuse capitale des tsars.

 

 

 

 

En 1824, son fils le grand-duc Michel épousa Frédérique-Charlotte, fille du prince Paul de Wurtemberg, pour devenir la grande-duchesse Hélène Pavlovna.

Ainsi s'explique que , dans la foulée de Sophie puis celle de Frédérique, un mouvement considérable d'échanges se forgea entre les deux cités, entretenu par un va-et-vient incessant de dames de compagnie, de caméristes, de précepteurs, d'aides de camp, et bien sûr, de courtisans et de serviteurs qu'on appelait, lorsqu'ils revenaient au pays, les "russiens".

Un peu d'histoire
Pourquoi Montbéliard ? parce que des liens très forts se sont tissés entre la principauté francophone et la Venise du Nord au siècle des Lumières.

Le Grand duc Paul Petrovitch, fils de l'illustre Catherine II, marié à 19 ans, veuf sans enfant à 21 ans, était venu en 1776 chercher à Montbéliard, en grandes pompes, pour en faire sa nouvelle épouse, la princesse Sophie-Dorothée de Wurtemberg-Montbéliard qui vivait au chateau d'Etupes. Sophie prit en Russie la religion orthodoxe et le nom de Maria Feodorovna, et devint starine le 1er novembre 1796. Elle donna à la dynastie cinq filles et quatre garçons, dont les futurs tsars Alexandre 1er et Nicolas 1er


Et Beucler dans tout ça ?
Son père Jules, luthérien de souche montbéliardaise fut longtemps, dans cette mouvance, professeur à l'Ecole de Droit et à l'Ecole militaire impériale des Cadets de Saint-Pétersbourg où le français était obligatoire. Il épousa la fille du général Souvorkoff et c'est en Russie que naquit André, le 23 février 1898 par une température de -18 degrés.

Cette naissance a aussitôt été transcrite à l'Ambassade de France, et, en même temps, par télégramme, sur les registres de Bondeval. A 12 ans, André fut mis avec son frère Serge, dans un train en gare de Saint- Pétersbourg, avec des étiquettes en trois langues sur leurs habits. Trois jours après, un "pion" les attendait à la gare de Belfort, où ils sont devenus internes du lycée.

A 30 ans, écrivain et journaliste en vue, il s'éprit d'une jeune fille russe de 20 ans, née à Pétrograd (la ville avait changé de nom) emigrée avec sa famille, qui survivait en brodant des coussins pour les dames du monde.

On sait qu'il devait l'épouser trois fois, cette belle Natacha !








Samovar

Contrairement à la famille de Natacha, qui avait tout perdu dans sa fuite, les parents d'André avaient, avant la Révolution de 1917, construit leur maison de Bondeval, où, chaque année, ils raportaient de Russie quelques souvenirs.

C'est ceux-là mêmes, du moins ceux qui ont échappé à l'occupation allemande de la maison en 1940, qui ont été réunis dans une belle salle de la Bibliothèque municipale par sa directrice Pascale Eglin pour évoquer l'ambiance slave qui a baigné l'enfance d'André.

Outre des objets familiers, samovars, œufs décorés, livres, disques et peintures, on y a réuni une rare collection de cartes postales fidélement agrandies datant des premières annèes du siècle dernier. Le tout agencé dans une chaleureuse ambiance, concoctée par Pascale Eglin, son assistante Annie Rousselot et, en stage, Sonia Pilod.

 




Annie Rousselot

Pascale Eglin



Sonia

MONTBÉLIARD 28 JUIN
Une conférence insolite
mais passionnante

Pascale Eglin, directrice de la Bibliothèque municipale de Montbéliard et coordinatrice de l’ensemble des manifestations régionales consacrées, en ce mois de juin, à ce “festival-rallye” Beucler, a joué la carte de l’insolite en conviant un public de choix à venir échanger propos, questions et réponses sur le thème des racines à la fois russes et comtoises, visibles ou non, dans l’œuvre d’André Beucler. En effet : pour lancer ce débat son invité d’honneur était… un Japonais !!!

Évidemment, il ne s’agissait ni d’un pratiquant du sumo, ni d’un moine zen, encore moins d’un cuisinier acrobate déguisé en samouraï pour servir un souchi. Pascale Eglin ne manque pas d’humour, mais, qu’on se rassure, elle a fait le bon choix. Son hôte était particulièrement qualifié pour répondre à ses vœux : le professeur émérite Masaki Katayama a enseigné, et initié, de nombreux étudiants en lettres françaises à l’Université libre de Kwansei Gakuin de Nishinomiya, proche de Kobé.

Il a aussi été le premier universitaire international à consacrer une étude importante à la qualité novatrice de l’œuvre de Beucler, en s’attachant pour ce faire la collaboration étroite d’une universitaire française, Marie Laure Picot, qui fut, avec un groupe d’étudiants, l’ínitiatrice en France d’une relecture d’André Beucler, en publiant en mars 1994, La Fiancée rebelle et autres chroniques amoureuses aux Editions Le Passeur, ouvrage aussitôt salué dans Le Monde par un article magistral de François Bott, orné d’un slogan en forme de mot de passe : “ne manquez pas Beucler, il a un charme fou !” Le travail approfondi de M.Katayama et M.L.Picot aboutit en 1994 a une pénétrante étude de très haut niveau de 140 pages (*). Il était opportun, et c’est tout à l’honneur de Montbéliard qu’un public francophone soit amené à saluer les efforts d’un Japonais qui a pris de court l’Université française dans ses missions. La postérité est parfois malicieuse !

Toujours est-il que cet événement – n’ayons pas peur des mots – réunit, dans un petit podium circulaire agencé au sein de la Bibliothèque, une cinquantaine d’interlocuteurs et quelques curieux ayant résisté à l’appel caniculaire des piscines. Un public exigeant qui n’allait pas tarder à poser de nombreuses questions.

Une seule voix allait s’étonner que l’on fut bien souvent hors sujet. Mais personne ne songeait pourtant à bouder une pareille occasion de s’enrichir au sein de cette confrontation orale pluri-culturelle, en forme de patchwork. En effet Masaki Katayama fut amené à se raconter et il s’y prêta de bon cœur, avec humour et, par instant, avec un émoi transparant, dont il s’excusa à plusieurs reprises mi-inquiet, mi-rieur.

On découvrit ainsi quelques détails sur la génération perdue des jeunes kamikazes à qui l’on apprenait que la vie s’arrête à vingt ans, sur les conditions de travail dans lesquelles quelques étudiants lucides parvenaient à échapper à ce programme non sans un goût de culpabilité.

On apprit aussi dans quelles circonstances ils parvenaient à apprendre le français et on pu mesurer, avec un étonnement flatté, le goût et le respect que les Japonais vouent depuis longtemps, à la culture française. Ainsi qu’à son agriculture... précisa malicieusement Katayama, qui, chaque année, revient en France et raffole de camembert, de petits vins de pays et, depuis peu, de saucisses et de cancoillotte. “Oille Oua !”

Pour en revenir à Beucler après ces longs détours, il précisa qu’il ne l’avait malheureusement jamais rencontré, mais qu’ils avaient correspondu, et quí’il entretenait des relations quasi fraternelles avec ses deux fils, d’ailleurs présents dans le public.

”Je ne me doutais pas, en écrivant en 1989 un petit texte sur André Beucler et Jean Cocteau, pour mieux faire connaître au Japon le nom de Beucler, que j’allais susciter en France autant d'interêt…” précise Katayama.

Il évoqua alors le premier traducteur de la littérature soviétique, notamment de Valentin Kataev, mais aussi des mémoires de Mme Dostoïewsky (récemment rééditées par Pierre Belfond), de l’historien d’Ivan le Terrible, du voyageur dont témoignent ses deux œuvres Caucase et Paysages et Villes russes, qui attendent une réédition.

Le temps étant compté, il fallut renvoyer les curieux à la lecture éventuelle de l’étude citée précédemment, où le professeur Katayama expose sa vision de Beucler, qu’il résume rapidement ainsi :
"Les héros de Beucler peuvent tous se rattacher à une famille de tragiques, celle de protagonistes raciniens, et des types balzaciens, bien sûr, mais surtout des créatures de Dostoïewsky en même temps que de celles de Tchekhov. Le ressort de leurs passions est pareillement inévitable et sans raisons, et le héros est le lieu géométrique des manifestations d’un hasard fondamental.

Il n’y a pas lieu de s’en étonner, sachant, comme vous tous ici, que Beucler né à Saint-Pétersbourg, était russe par sa mère, comme d’ailleurs beaucoup d’écrivains français de la même génération, qui ont enrichi la littérature française moderne : Elsa Triolet, Joseph Kessel, Emmanuel Bove, Nathalie Sarraute, et j’en oublie.

J’ajouterai que, en 1925, la littérature française n’avait pas encore accoutumé ses lecteurs à cet exercice, assez typiquement slave, d’utiliser le roman comme une réflexion sur nos rapports au monde. Inventons au réel une apparence neuve, tel était, à ma découverte, le secret de Beucler."

En fin de “matinée ”, les frères Beucler, sur la sellette, furent invités à raconter, pour ceux qui ne la connaissait pas encore, la saga slave d’André et Natacha, et de leurs trois mariages !
Puis Masaki Katayama fit, de très bonne grâce, front à un assaut de demandes de dédicaces.


En comité privé, Annie Rousselot fit visiter au professeur Katayama le “saint des saints” de la Bibliothèque : un sous-sol blindé où sont conservés des incunables enluminés et, parmi d’autres merveilles bibliophiliques, une spendide reliure aux armes des ducs de Wurtemberg, enrichies de tranches illustrées.

(*) Sous le titre de : André Beucler aux origines de la modernité narrative : une découverte romanesque de la phénoménologie ´suivi du sous titre plus modeste de : prolégoménes pour des Ètudes approfondies. Ce texte a été publé par l’Association André Beucler. Quelques exemplaires sont encore disponibles, réservés aux adhérents.

 


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